Se préparer à passer au CSE est indispensable, estiment experts de Syndex et avocats de LBBA : le comité social et économique devra assumer des dépenses jusqu'alors payées par l'employeur, défendre sans doute davantage en justice ses expertises, et chercher le moyen de faire remonter les problèmes de conditions de travail sans DP ni CHSCT.
Lors d'une matinée d'information et de débats organisée par Syndex dans ses locaux à Paris, mardi 6 février, non loin des voies ferrées enneigées de la gare du Nord, le cabinet d'expertise auprès des CE et des CHSCT a sensibilisé les élus du personnel présents aux enjeux du passage du comité d'entreprise au comité social et économique (CSE), l'instance qui fusionne CE, DP et CHSCT. Tous deux experts auprès des CHSCT, Carole Taudière et Bertrand Poète, ergonome, ont identifié les risques à anticiper pour sinon réussir ce passage, du moins limiter la perte de moyens dévolus à l'instance, notamment sur le plan des prérogatives relevant de l'ex-CHSCT.
Plusieurs élus ont pris toute la mesure, lors du débat, de l'ampleur de la tâche qui les attend. "Il y a des choses à faire, mais tout, tout, tout doit être négocié ! Les syndicats devront changer d'état d'esprit, cesser de cumuler les mandats et sortir des bureaux pour réinventer leur rôle en retournant voir les salariés", a estimé ainsi Stéphane Pochard, représentant de la section syndicale CFTC chez Pfizer.
Inquiet à l'idée de ne plus disposer de CHSCT et de DP et donc de relais sur le terrain, un autre élu, trésorier d'un CE national, a commenté ceci à propos des représentants de proximité (*) dont il venait de découvrir l'existence : "Autrement dit, il nous faut tenter de négocier quelque chose que nous avions auparavant de droit avec les délégués du personnel !" Un autre élu encore, cette fois secrétaire d'un CHSCT, s'est montré critique...à l'égard de ses collègues du CE : "Ce qui m'intéresse, ce sont les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, pas le reste. Le problème, c'est que le CE ne s'y intéresse pas". Il a été apostrophé par un autre élu : "Alors, il va te falloir convaincre les élus du CE de te laisser une place dans le CSE car c'est le comité qui aura les prérogatives du CHSCT, pas la commission".
On le voit, la perspective du CSE inquiète les élus. Les spécialistes aussi, qui invitent les représentants du personnel à la prudence en listant plusieurs enjeux à garder à l'esprit lors des discussions sur le passage à la nouvelle instance qui débutent dans les entreprises (► voir ci-dessus l'interview vidéo de Béatrice Bursztein, avocate associée chez LBBA, un cabinet spécialisé auprès des représentants du personnel).
Le risque majeur, du fait d'une baisse du nombre d'élus que provoquera la mise en place du CSE, réside dans le risque d'un décalage entre les élus du CSE et les collectifs du travail, alors que c'est justement la proximité entre élus et salariés qui permet de faire remonter questions et problèmes autour des conditions de travail. Ce sont ces éléments qui peuvent ensuite entraîner saisine de l'instance, enquêtes voire expertises. Carole Taudière invite les élus à faire l'analyse de ce qui marche et de ce qui ne marche pas dans l'organisation actuelle de la représentation du personnel dans leur entreprise afin de voir comment articuler le mieux possible les différents niveaux dans le cadre du CSE (voir l'encadré ci-dessous), un des rares points positifs des ordonnances étant à ses yeux la consécration, au niveau du CSE central, d'une commission santé, sécurité et conditions de travail.
Il y a le mandat, à négocier par accord, des représentants de proximité, d'autant que les réunions mensuelles des ex-DP ont été supprimées du texte définitif des ordonnances, sauf dans les sociétés de moins de 50 salariés (notre article). "Dites à votre employeur qu'il ne pourra pas respecter son obligation de sécurité et de résultat s'il ne dispose pas de représentants de proximité capables de faire remonter les problèmes", conseille Carole Taudière. "Il va falloir que vous soyez beaucoup plus aux aguets pour sentir rapidement que l'entreprise prépare un projet, car ensuite, les délais des expertises sont très contraignants", avertit Béatrice Bursztein. Précisons toutefois qu'un accord est possible pour allonger un peu les délais de remise du rapport de l'expert.
Il va aussi falloir définir le rôle de la commission santé sécurité et conditions de travail. Ce ne sera pas un CHSCT : en effet, ce n'est pas la commission qui sera consultée et pourra décider une expertise, mais bien le CSE. "Prévoyez déjà que la commission reflète dans sa composition les différents métiers de l'entreprise. Ensuite, vous pouvez assigner à la commission un rôle d'instruction pour le CSE, un rôle d'enquête, en lien d'ailleurs avec les représentants de proximité", dit Carole Taudière.
L'autre enjeu majeur concerne les moyens du CSE, dont les ressources sont certes légèrement augmentées à partir de 2 000 salariés (0,22% de la masse salariale) mais qui devraient le plus souvent baisser, le texte excluant les indemnités de ruptures comme les versements en matière de participation. Comme l'explique Béatrice Bursztein (voir son interview vidéo ci-dessus), la nouvelle instance va devoir supporter le financement du budget du CSE central (cette fois prévu explicitement par les textes) ainsi que des éléments jusqu'alors pris en charge par l'employeur comme :
- une partie des expertises désormais cofinancées (80% pour l'employeur, 20% pour le CSE, sauf si ce dernier n'a plus de budget de fonctionnement et s'il n'a pas versé d'excédent dans les activités sociales et culturelles, ce que les élus présents ont analysé comme une incitation à consommer chaque année tout le budget fonctionnement);
- éventuellement la formation des délégués syndicaux et des représentants de proximité;
- la documentation de l'ex-CHSCT;
- les frais d'avocat et de justice de l'ex-CHSCT, etc.
Sur ce dernier point, l'avocate de LBBA n'a pas craint de voir dans les ordonnances, censées simplifier le droit du travail et éviter les recours au juge, un nid à contentieux : "Vu les délais très restreints qu'aura l'employeur pour délivrer des informations à l'expert du CSE, il est probable qu'il n'y aura guère d'autres solutions que de saisir le juge pour obtenir la communication des informations manquantes".
Autrement dit, conclut l'avocate en faisant allusion au passage du CE au CSE et à la tentation d'opérer à cette occasion un transfert d'une partie des reliquats du budget de fonctionnement vers le budget des activités sociales et culturelles, "il va falloir que vous gardiez un peu d'argent pour le budget de fonctionnement".
(*) Les représentants de proximité sont un mandat purement facultatif. Ils peuvent être créés par accord, le texte devant tout définir à leur propos (modalités de désignation, moyens et prérogatives), seule leur protection étant prévue par les ordonnances (art. L. 2313-7).
Santé, sécurité et conditions de travail : un exemple donné par Syndex de l'articulation possible entre les différentes instances dans les entreprises ayant plusieurs établissements
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CSE central et commission santé, sécurité et conditions de travail centrale (SSCT) | |
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CSE d'établissement et commission SSCT | |
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Représentants de proximité | |
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Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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